Une organisation qui s’engage dans la décarbonation de ses activités a intérêt à valoriser cette démarche via une communication adaptée, qui ne soit ni trompeuse ni excessive, pour convaincre ses clients de la crédibilité de ses actions et prévenir toute attaque.
Pourquoi communiquer sur sa démarche environnementale ?
Les exemples d’éco-blanchiment (greenwashing) outranciers peuvent dissuader les organisations de communiquer sur leur démarche environnementale.
Il est cependant possible de concevoir une communication qui évite les écueils du greenwashing en restant proportionnée aux engagements pris et aux résultats obtenus.
Ce type de communication possède de multiples intérêts.
Du point de vue de l’intérêt général, une communication cohérente, précise et transparente permet d’éclairer les consommateurs sur leurs choix et d’orienter l’économie vers des modes de consommation plus durables.
Du point de vue de l’intérêt de l’organisation, communiquer sur ses objectifs et ses résultats en matière de réduction de ses émissions est évidemment positif, que ce soit pour la marque employeur ou l’image de marque.
D’une part, les employés qui se retrouvent dans les valeurs de leur organisation sont à la fois plus engagés et plus performants. Une bonne marque employeur aide par ailleurs à attirer des talents. Les jeunes voulant faire carrière dans les grands groupes pétroliers sont moins nombreux qu’il y a vingt ans, la quête de sens prime aujourd’hui sur la quête de profit…
D’autre part, à mesure que la menace que fait peser le business as usual sur l’avenir se précise, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’impact environnemental des produits et services qu’ils consomment. Ils tendent à privilégier les entreprises engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, selon l’étude Agir pour l’environnement, publiée par l’IFOP en novembre 2020, 87 % des Français sont prêts à boycotter les produits ayant un impact climatique néfaste.
À ce stade, nous pouvons déjà affirmer trois choses :
- Tout le monde à un rôle à jouer ;
- La communication des efforts de chacun est nécessaire à l’amplification des réductions à l’échelle globale ;
- Le greenwashing est néfaste à la cause qu’il prétend servir.
Neutralité carbone et greenwashing
L’Ademe a publié un avis d’experts sur l’utilisation de l’expression de neutralité carbone dans les communications. La conclusion est sans équivoque : pour l’ADEME, la neutralité carbone n’a de sens qu’à l’échelle de la planète et, à la rigueur, des pays.
La neutralité carbone d’une entreprise est une notion plus floue, qui peut porter à confusion. Par définition, du fait de son existence et de ses activités, une entreprise conserve un impact environnemental. Un local, un véhicule de fonction, un ordinateur suffisent, par l’énergie qu’ils consomment, à émettre du CO2.
S’il est possible d’acheter des crédits carbone pour compenser ses émissions, les puits de carbone (eau, arbres, sols) ne seront malheureusement jamais suffisants pour atteindre la neutralité carbone à l’échelle de la planète sans qu’il y ait parallèlement une réduction drastique des émissions : tout le monde ne pourra donc pas “compenser” son empreinte carbone en plantant des arbres. C’est pourquoi le terme de “contribution” tend à se substituer à celui, mal connoté et considéré comme trompeur par l’ADEME, de “compensation”.
Attention donc à l’application de la notion de neutralité à l’échelle d’une organisation !
Du point de vue de la formulation, on préfèrera dire qu’une entreprise “contribue à la neutralité carbone planétaire” ou que sa trajectoire de réduction est “compatible avec l’accord de Paris” plutôt que dire qu’elle a “atteint la neutralité carbone”.
Malgré ces réserves, il reste possible de parler de neutralité carbone au sujet d’un produit ou d’un service, sous réserve de respecter les trois conditions suivantes, mentionnées à l’article 12 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 :
- Avoir réalisé un bilan carbone du produit ou de l’activité concernée ;
- Avoir publié une trajectoire de réduction des émissions liés à ce produit ou à cette activité ;
- Avoir compensé les émissions résiduelles.
Ce type de communication représente cependant un risque important pour l’entreprise.
Pourquoi ? Parce qu’il prête particulièrement le flanc aux attaques de greenwashing et que l’opinion publique, mieux informée, est de moins en moins réceptive à cette incitation, ainsi que le montre la suppression de la publicité d’Easyjet promouvant des vols zéro carbone, à la suite d’un bad buzz.
Comment communiquer sur le bilan d’émissions de gaz à effet de serre d’une organisation ?
La réalisation d’un bilan carbone est la première étape de toute stratégie de décarbonation sérieuse et efficace à long terme.
En effet, pour établir un plan de transition et commencer à réduire son empreinte carbone, il faut au préalable avoir identifié et quantifié les sources d’émissions de son organisation.
Or, le périmètre opérationnel d’un bilan carbone intègre plus ou moins de catégories d’émissions. On parle des scopes 1, 2 et 3, qui regroupent chacun des sources (ou postes) d’émissions définis.
Si les BEGES (bilans réglementaires) n’intègrent que les deux premiers scopes, l’Ademe recommande fortement de prendre en compte le scope 3 (émissions indirectes liées à l’activité de l’organisation) qui représente souvent plus de 70 % du total.
Il est ainsi recommandé d’inclure le périmètre du bilan dans sa communication.
Par ailleurs, toutes les méthodes utilisées pour calculer le bilan carbone d’une organisation ne se valent pas. Il convient de choisir une méthode fiable et reconnue, telles que la méthode bilan carbone® développée par l’Ademe et actualisée par l’Association Bilan Carbone, ou encore le GHG Protocol, la SBTi…
Lorsqu’on communique sur le bilan carbone de son organisation, préciser la méthode employée pour le calculer constitue un gage de crédibilité.
Comment certifier sa trajectoire de réduction pour communiquer de manière crédible ?
Alors que beaucoup d’entreprises cherchent à s’impliquer dans la lutte pour le climat en réduisant et/ou en compensant leurs émissions, plusieurs normes ont vu le jour pour clarifier les différents engagements et différencier les actions ambitieuses du greenwashing.
Parmi elles, la Sciences Based Targets initiative (SBTi) constitue la référence internationale, tandis que la Net Zero Initiative est l’équivalent français. Dans un cas comme dans l’autre, le but est d’aligner les actions de réduction à mettre en œuvre sur les objectifs à atteindre, tels que définis par l’accord de Paris.
Ces nouveaux standards mettent tous l’accent sur un point : la compensation n’étant pas viable à l’échelle planétaire, dans la mesure où les puits de carbone ne pourront jamais couvrir la quantité d’émissions actuelles, la priorité est à la réduction. Les objectifs sont ambitieux : il s’agit de réduire de 90 à 95 % ses émissions d’ici à 2050.
Seules les émissions restantes, 5 à 10 % du total, pourront être compensées par l’achat de crédits carbone.
Pour mieux comprendre les termes de réduction, d’évitement et de séquestration de carbone, voici un schéma qui les classifie :
En faisant certifier sa trajectoire de réduction par ces organismes de référence, on appuie sa démarche sur des données scientifiques pour engager des évolutions structurelles, sur le long terme.
Cela rend les communications plus crédibles et prémunit l’organisation certifiée des attaques d’éco-blanchiment.
Compensation VS contribution carbone volontaire : comment ne pas se faire taxer de greenwashing ?
Sous prétexte qu’on finance la plantation d’arbres en Amazonie (ou qu’on soutient n’importe quel projet de séquestration carbone), peut-on se prétendre neutre en carbone ?
A priori, non. Tant que les projets ne sont pas protégés de futurs relâchements de carbone (incendies, etc.) et que les émissions de l’activité n’ont pas été significativement réduites, il est en tout cas difficile de le justifier.
Pourtant, considérer les projets de séquestration de CO2 comme de la poudre au yeux n’est pas moins réducteur.
Jusqu’à présent, la compensation a souffert d’une utilisation abusive, en servant surtout à se dispenser d’actions de réduction, étant donné le prix très compétitif de certains crédits sur les marchés internationaux.
Or, tous les acteurs devant réduire leurs propres émissions, les efforts des uns ne peuvent pas se substituer à ceux des autres.
Le deuxième problème que la compensation pose est celui de la qualité des projets soutenus et de l’effectivité, ou non, de la séquestration de CO2.
On se doute qu’entre un crédit carbone à 8 $ et un autre à 110 €, il existe une différence. Celle-ci peut tenir au sérieux du projet, à sa certification et à son suivi, mais aussi aux co-bénéfices qu’il comporte.
Par exemple, la plantation de haies bocagères, outre la séquestration de CO2, permet le maintien de la biodiversité, la limitation de l’érosion, la gestion optimisée de l’eau, la production de bois d’œuvre… À l’inverse, la plantation d’arbres en monoculture nuit à la biodiversité et présente des risques d’incendie plus importants.
Il convient donc d’étudier les projets en profondeur avant d’acheter des crédits carbone qui en sont issus. Ce qui ne veut pas dire y renoncer !
À l’échelle de la planète, la neutralité carbone sera atteinte lorsque les émissions induites par l’activité humaine seront absorbées par les puits de carbone. Il y a donc deux paramètres : les émissions d’un côté, les puits de l’autre. Favoriser l’essor ou l’entretien de ces derniers est également crucial pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris.
Parce que le terme est équivoque et a servi d’alibi à des pratiques abusives, il est désormais préférable d’éviter de parler de “compensation” et de privilégier la contribution carbone volontaire. Pour une organisation, celle-là vise à financer des projets de réduction ou de séquestration d’émissions de GES en France et à travers le monde, en dehors de son périmètre opérationnel.
La contribution carbone volontaire est donc plus large en ce qu’elle intègre également les projets de réduction hors de son champ d’activité, en plus des projets de séquestration que couvrait la traditionnelle compensation.
Dans une note, l’Ademe indique les 5 bonnes pratiques de la contribution carbone volontaire, qu’il est bon d’avoir à l’esprit avant de se lancer :
- Faire un bilan des émissions de GES, réductions et compensations et le rendre public ;
- Choisir des projets de compensation labellisés (Label bas-carbone, VCS, Gold standard…) ;
- Privilégier des projets présentant des approches « développement durable » ;
- Définir une juste combinaison de projets soutenus sur le sol national et de projets soutenus à l’international (les projets en France parleront davantage aux parties prenantes françaises) ;
- Communiquer de manière responsable.
Quels supports de communication utiliser ?
Dès qu’une organisation a commencé à prendre des engagements pour réduire ses émissions, elle peut commencer à communiquer dessus.
Différents supports existent. Voici un tableau qui récapitule les plus courants en indiquant leurs avantages et leurs inconvénients.
Avantages | Inconvénients | |
Communiqué de presse | Grand public Source officielle |
Prix Diffusion plus ou moins large en fonction du média |
Article de blog/actualité | Description précise de la démarche Contenu durable Amélioration SEO |
Temps de rédaction Visibilité variable en fonction du trafic |
Post sur les réseaux sociaux | Grand public Large audience |
Récurrence Ephémère Modération |
Infographie | Percutant Agréable à consulter Mémorisation Contenu durable |
Prix Pas de développements possibles |
Vidéo | Plus ludique qu’un format texte Percutant Contenu durable |
Prix Technicité du montage Script de qualité exigé |
Annonce en interne | Engagement des collaborateurs Valorisation de la marque employeur |
Pas de visibilité à l’extérieur |
Publicité | Simplicité du message Visibilité importante Amélioration de l’image de marque |
Prix Ecueil greenwashing |
Les 7 atouts pour communiquer de façon transparente et pertinente
- Pour commencer, faire l’inventaire de ses émissions en s’appuyant sur une méthode reconnue, telle que la méthode Bilan Carbone®, le GHG protocol, etc.
- Intégrer le scope 3 pour calculer l’intégralité de son empreinte carbone et identifier tous les leviers de réduction.
- Faire établir un plan de transition ambitieux ET réaliste, indiquant tous les moyens. mis en œuvre pour réduire ses émissions, en adéquation avec la Net Zero Initiative.
- Éviter de dire qu’un bien ou un service n’a pas d’impact (« produit neutre en carbone », « zéro impact carbone », « 100 % compensé », etc.)
- Éviter également de parler de “neutralité carbone” pour qualifier une organisation, étant donné que cela présente un risque pour la réputation de l’entreprise.
- Hiérarchiser ses efforts en leur accordant une place proportionnelle à leur importance dans ses communications.
- Insister sur le processus de réduction plutôt que sur les résultats.
Conclusion
Ainsi, s’il est urgent d’agir et de décarboner les activités dans tous les secteurs, partout dans le monde, il n’est pas moins nécessaire de communiquer autour des actions menées pour diffuser les bonnes pratiques et inciter d’autres acteurs à les suivre.
Mais attention, à cause des pratiques douteuses observées (confer l’éco-blanchiment ou greenwashing), les communications sur ce sujet sont sensibles et doivent être réfléchies pour ne pas être contreproductives, nuire à l’image de marque ou déclencher un bad buzz.
Chez A4T, nous accompagnons les organisations publiques et privées depuis le calcul de leur bilan carbone jusqu’à la réduction de leurs émissions, en suivant un plan de transition. En parallèle, nous les conseillons sur la manière d’intégrer cette démarche à leur stratégie RSE et de communiquer de façon objective et efficace à long terme.